14/10 Les "égoïstes" de la zone euro : pourquoi ils renâclent à aider les "maillons faibles"

LEMONDE | 14.10.11 | 14h12   •  Mis à jour le 14.10.11 | 20h02

On les appelle les "égoïstes" de la zone euro. Ces pays, qui, comme la Slovaquie, rechignent à payer pour sauver la Grèce et les dérapages budgétaires des autres "maillons faibles" du sud de l'Europe.

Après avoir voté contre, le Parlement de Bratislava a finalement approuvé, jeudi 13 octobre, l'élargissement du Fonds européen de stabilité financière (FESF) nécessaire au sauvetage d'Athènes. Mais en hésitant, le pays a effrayé les dirigeants européens et mis au jour la rigidité de la gouvernance de la zone et l'exaspération de certains membres : la Slovaquie mais aussi les Pays-Bas, la Finlande et, dans une moindre mesure, l'Allemagne. Point sur ces "égoïsmes".
La Slovaquie : ne pas payer pour plus riches qu'eux. Le blocage du vote sur l'élargissement du FESF au Parlement slovaque a d'abord répondu à un calcul purement politique. Il a permis à l'opposition de précipiter la chute du gouvernement de centre-droit.
Mais il a aussi fait écho à un ressentiment, "compréhensible" de la population, reconnaît Sylvain Broyer, économiste chez Natixis. La Slovaquie, entrée dans la zone euro en 2009, reste un pays pauvre. Plus pauvre que la Grèce et les autres nations que le pays est censé secourir. La retraite des fonctionnaires slovaques s'élève en moyenne à 600 euros par mois, contre 850 euros en Grèce. Même si le coût de la vie est moins cher en Slovaquie, le pays a le sentiment de payer pourassurer les retraites des fonctionnaires grecs.
Le soutien au FESF pourrait coûter au pays jusqu'à 7,7 milliards d'euros en garanties, soit 13 % du produit intérieur brut (PIB), souligne M. Broyer, qui rappelle que le pays bénéficie des fonds structurels européens, soit 1,6 milliard d'euros par an.
Les Pays-Bas : l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme. Membre du club fermé des pays notés AAA par les agences de crédit, la Hollande est un exemple de rigueur et de discipline budgétaire. Selon les calculs de Natixis, compte tenu des recettes courantes, le pays ne mettrait qu'1,7 an à rembourser sa dette contre 2,02 ans pour la France et 2,3 pour le Royaume-Uni. Selon le Fonds monétaire international (FMI), son déficit budgétaire représentera 3,8 % du PIB en 2011 et 2,8 % en 2012. En dessous de la ligne jaune du traité de Maastricht (3 %).
"Cette discipline exemplaire est le résultat d'une fiscalité sévère qui trouve son fondement dans une forme d'éthique protestante", estime Shahin Vallée, économiste au centre Bruegel. Au Pays-Bas, on comprend donc mal de devoiraider encore et encore un pays comme la Grèce, "qui n'a pas présenté un budget à l'équilibre depuis cinquante ans", pointe Charles Wyplosz, professeur d'économie internationale au Graduate Institute de Genève.
La Finlande : le refus de l'aléa moral. Le pays peut mettre en avant des finances saines malgré la crise. Selon le FMI, la Finlande sera en excédent budgétaire en 2012. Le pays rappelle aussi s'être sorti seul d'une crise bancaire dans les années 1990. Pourquoi aujourd'hui soutenir ceux qui, comme la Grèce, n'ont pas respecté les règles du jeu ?
La Finlande incarne aussi le réflexe de repli sur soi. Après sa percée aux dernières élections législatives (19 % des voix), le parti nationaliste les Vrais Finlandais a puexiger et obtenir des garanties contre les prêts à la Grèce. De tous les "égoïstes", le pays est ainsi, selon M. Vallée, "le seul à présenter un véritable euroscepticisme".
L'Allemagne : échaudée par la réunification. Angela Merkel affiche depuis quelques semaines une grande fermeté pour sauver la Grèce et éviter la contagion de la crise. Mais jeudi, la chancelière s'est encore fait rattraper par l'opinion publique.
Huit instituts d'économistes ont lancé un appel aux gouvernements pour arrêterd'investir leur énergie dans le sauvetage de la Grèce. "Les sommes engagées peuvent augmenter à l'infini", alertent-ils.
Ces experts savent de quoi ils parlent. Les transferts financiers entre l'ex-RFA et l'ex-RDA après la réunification ont coûté 1 300 milliards d'euros en vingt ans à l'Allemagne de l'Ouest. Et les Allemands considèrent avoir souffert pour redresserleurs finances publiques. Avec succès : le déficit budgétaire devrait atteindre 0,9 % du PIB cette année.
Si l'Allemagne, l'un des principaux contributeurs de l'euro, ne peut être considérée au sens strict du terme comme "égoïste", elle appartient au clan des durs, adeptes de la discipline budgétaire, et veut s'assurer que toute aide sera assortie d'engagements fermes.
Claire GatinoisArticle paru dans l'édition du 15.10.11

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