pour Le Monde.fr | 04.07.11 | 19h34 • Mis à jour le 04.07.11 | 19h38
"La tendance actuelle du côté des Etats c'est de dire : on ne vous reçoit pas, on vous en donne le moins possible car ce n'est pas votre rôle et nous sommes souverains". Ce constat désolé est celui de Jean-Michel Six, chef économiste pour l'Europe de l'agence de notation américaine Standard&Poor's. Il s'exprimait à l'occasion d'une table ronde d'investisseurs organisée lundi 4 juillet autour du thème "Peut-on et faut-il noter les Etats ?".
Question ardue... Certains diront que les agences ont tendu elles-mêmes le bâton pour se faire battre. Une fois encore, lundi, Standard&Poor's est venue semer le trouble au moment où les gouvernements et les banques de la zone euro se démènent pour trouver une solution à la quasi-faillite de la Grèce : ses analystes ont fait savoir que les derniers scénarios imaginés, notamment côté français,"conduiraient probablement à un défaut de paiement selon nos critères". Précisément ce que les Européens cherchent à éviter par tous les moyens. Le gouvernement grec a aussitôt exprimé son dédain envers "les hypothèses d'agences spéculatrices".
Ces échanges d'amabilités sont devenus l'un des grands classiques de la crise de dette souveraine en zone euro. Censeurs des Etats, les agences se sont vues accusées de souffler sur les braises. D'alimenter une spirale infernale en dégradant les notes des pays les plus fragiles au risque d'accentuer la pression des marchés.
"LA NOTATION DES SOUVERAINS, ÇA FONCTIONNE !"
Piquées au vif, les agences tentent de trouver la parade. Lundi, M. Six s'est fendu d'une petite leçon d'histoire. "Le risque souverain est un risque très ancien : jusqu'au milieu du XIXe siècle, les Etats ont été considérés comme les pires des emprunteurs, a-t-il rappelé. Le XXe siècle aussi a été ponctué de défauts retentissants." Sur un marché qui représente aujourd'hui 41 000 milliards de dollars (28 000 milliards d'euros), les investisseurs ont plus que jamais besoin d'une "opinion" pour prendre leur décision, plaide Standard&Poor's. A fortiori en période de troubles financiers.
Ce n'est manifestement pas l'avis du commissaire européen aux services financiers, Michel Barnier : lundi 27 juin, au micro de BFM, celui-ci s'est indigné des"dégradations de notes brutales" infligées à des pays comme la Grèce sous perfusion financière et engagés dans des plans d'ajustement. M. Barnier s'est dit prêt à aller plus loin dans la régulation, par exemple en interdisant "tout simplement la notation d'un pays quand celui-ci est sous programme de solidarité internationale ".
S&P n'a pas vraiment apprécié. "Casser le thermomètre en période de crise, en plein pendant la maladie, ce n'est pas la solution", a répliqué lundi Alexandra Dimitrijevic, responsable des critères de notation des Etats au sein de l'agence. Devant un parterre d'investisseurs, elle a martelé le message de Standard&Poor's :"La notation des souverains, ça fonctionne !"
Ainsi, l'histoire montre qu'un pays noté "CCC" a un taux de défaut de 40 % dans l'année qui suit la dégradation, et même de plus de 70 % dans les cinq ans. Rien de bon pour la Grèce, aujourd'hui affublée de cette note désobligeante...
Marie de Vergès
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